put your hands into the fire (bram)

hésitation constante qui rythme sa vie au fil des invitations pour assister à la débauche. ces soirées, ces nuits d’ivresse, auxquelles elle n’aurait jamais pensé participer avant. la faute à ce tournant dans sa vie, cette décision qui a tout fait basculer. son nom inscrit à la confrérie à la place de celui de sa sœur. son grand-père qui change les plans. comme ça sans rien dire. un choc, une trahison, un fardeau. mots pour qualifier cette situation qui différent selon les personnes impliquées dans ce désastre. mais ida en est certaine, prendre place au sein de la confrérie ne sera jamais une bénédiction. pas pour elle. petite âme perdue au milieu de ce chaos déguisé. mais elle essaye de se persuader avec des pensées rassurantes. au moins, depuis quatre mois, elle a trouvé des gens. des personnes comme elle, balancées dans l’antre du diable. sans avoir rien demander. ou parce que c’était leur destinée. mention inutile à rayer. mais la confiance est difficile à donner. elle est témoin de choses qu’elle ne soupçonnait pas avant. et elle se perd dans les méandres de quelque chose de bien plus grand qu’elle. ce passé qui ressurgit, comme si tous les membres vivaient des siècles en arrière. cette confrérie qui lui a pris sa vie. elle qui n’avait rien à lui donner. mais le fait est que l’invitation pour la soirée est là. et là voilà qui arrive dans ce lieu tenu secret aux yeux du monde. grande maison en bordure de forêt, un peu à l’écart de leiden. elle s’accorde quelques secondes, ida. quelques secondes pour analyser les environs, pour repérer une vague connaissance, un ami. quelqu’un qui sauvera sa nuit. elle s’en veut de venir ici. elle ne sait pas pourquoi elle est là. et toutes ses pensées se mélangent dans sa tête. et la fois de trop qui vient lui chambouler l’esprit. la récente mort de quelqu’un. quelqu’un qui n’est pas n’importe qui. et elle ne veut pas cautionner ça. et pourtant cette curiosité grandissante qui la pousse à passer les portes de l’enfer pour en découvrir davantage sur ce monde auquel elle s’est toujours jurée de ne jamais appartenir. sa concentration est bousculée par quelqu’un. une voix qu’elle reconnaît. son prénom qu’il prononce délicatement en s’approchant d’elle. et ses yeux se posent sur lui. un léger sourire vient se loger sur ses lèvres. — bram de graaf, quelle surprise de te voir ici.

la musique s’échappe de la maison, de ce lieu retenant au loin le plus profond des enfers. elle chasse les pensées insistantes de son esprit lorsqu’elle franchit le portail et que le son devient de plus en plus insistant. tant bien que mal. si elle la savait là, saartje rirait devant l’ironie de la scène. de grands éclats, presque exagérés. le fantôme malveillant de sa sœur déchue l’embrasse et ida entendrait presque son rire d’où elle est. la course au pouvoir fait des ravages, elle le réalise de plus en plus aujourd’hui. c’est saartje qui devrait honorer sa présence dans les soirées de la confrérie. pas elle. et pourtant elle est bien là, ses cheveux glissant doucement sur ses épaules à chaque fois que souffle le vent. chaque cellule de son corps prenant place dans cette soirée de débauche, la décadence dont elle a si souvent entendu parler auparavant et à laquelle elle assiste aujourd’hui. une fois de plus. non, elle ne fera rien de mal ici. pas de boissons alcoolisées consommées en trop grande quantité, pas de fumées ou autres cachets qui viendraient perturber ses sens. pas de ligne franchie en pactisant avec un diable. elle se le promet, ida. elle restera clean. elle ne franchira pas sa limite. sa sérénité est perturbée par une voix masculine. ces quelques mélodies qu’elle reconnaît si bien. l’ironie dans ses paroles qui brise le silence. elle n’oserait se mentir à elle-même, mais parfois bram peut être de bonne compagnie. et il est une cible intéressante. le genre de personne avec qui elle peut jouer un jeu dangereux. ce genre de jeu qui la fait se sentir vivante. ce genre de jeu qui la perdra. cette petite âme trop pure pour s’engager sur ce chemin néfaste. constamment partagée entre ses convictions et le désir de découvrir une vie différente. bram met le doigt sur un point important. encore une fois, ida est là. et ce soir, elle n’a aucune excuse pour justifier sa présence ici. — je mène une étude sociologique sur la dépravation humaine. très intéressante d’ailleurs. sarcasme comme arme ultime. elle aime en user, ida. et elle sait que ça marche avec lui. répartie aiguisée du jeune homme qu’elle a en face d’elle. elle jette un regard vers le verre qu’il tient dans la main. — tu profites de l’hospitalité des hôtes. opportuniste, ça ne m’étonne pas de toi. comme pour justifier la présence de celui qui lui a toujours vanté les mérites de ce cercle fermé. elle n’est pas étonnée de le voir là. et pourtant cette fois, il est seul. lui qui est toujours accompagné. son acolyte doit être en retard. — tu n’es pas accompagné de ta moitié à ce que je vois. ça va, tu survis ? et elle laisse échapper un rire. un petit rire solaire, trop pur pour être contesté. malheureusement pour elle, elle ne sait pas jouer.

elle semble avoir visé juste. l’attitude de bram change légèrement, un soupçon qu’ida parvient à capter dans une seconde d’inattention. l’allusion à son acolyte semble avoir fait son effet auprès du jeune homme. c’est vrai qu’il est rare de les voir séparés. et pourtant, lui est là, pas l’autre.  — j’espère que ce n’est rien de grave. il ne faudrait pas qu’un autre drame survienne encore ici. et elle utilise à nouveau son arme ultime. son sarcasme. comme si le fait qu’un ami ne soit pas là était un élément suffisamment important pour qu’il puisse disparaître lui aussi. comme l’héritier. mais elle ne cherche pas à en savoir plus. après tout, cela ne la regarde pas. sa soirée n’en sera pas changée. et elle ne connaît pas les véritables intentions de bram à son égard. alors elle reste sur la défensive, ida. plutôt réfléchie quant à ses paroles, pour une fois. — me tourmenter carrément ? je devrais avoir peur ? un petit sourire s’esquisse doucement sur ses lèvres. elle ne sait pas vraiment de quoi il est capable, bram. lui ce personnage si mystérieux quand il le veut. mais l’invitation est agréable, elle ne peut pas le nier. — malheureusement, tu ne me laisses pas le choix. et elle n’est pas mécontente de noyer sa propre solitude avec lui. parce que bram est intéressant quand il le veut. l’excuse de l’étude est poussée trop loin. et pourtant, il y aurait matière ici. elle n’a jamais vu un endroit autant rempli de dépravation et d’excès. peut-être sa naiveté qui lui joue des tours. peut-être que c’est comme ça que fonctionne la vie. par chance, elle en a bien longtemps été épargnée. et son existence, peut-être la plus ennuyeuse qui soit aux yeux des personnes présentes ici, lui apparaît comme un cadeau du ciel. elle lui accorde un véritable sourire, comme pour lui assurer de sa sincérité quant à son étude. de toute façon, il n’est pas question de mensonge à ce moment-là. bram l’embarque au bar. et c’est toutes ses certitudes et ses limites qui volent en éclats. elle le suit sans broncher. un peu dépassée par ce qu’il peut se passer ce soir. — tu n’en finis pas d’essayer toi hein ? toujours en train de vouloir me corrompre. et elle hésite à se laisser tenter, ida. parce qu’un verre, au final ce n’est rien. elle saura toujours se maîtriser. et elle dira non au prochain. le gin tonic posé quelques minutes plus tard sur le comptoir, elle attrape le verre et regarde à nouveau bram. — à mon étude et à ta solitude. et les deux boissons s’entrechoquent dans un bruit joyeux. quel étrange duo.