catch and release (ida)

l'ennui est mortel. absorbant. ces soirées ne lui servent qu'à voir aart, de loin, sans jamais se risquer à plus d'une ou deux conversations par mois. le reste du temps n'est qu'observation silencieuse, mutisme finement étudié et largement maitrisé, quand un verre à la main elle fait office de décor dans des cercles de conversations. politique. culture. art. sciences. faits divers. c'est toujours le même roulement et pas l'ombre d'un soupçon d'intérêt qui s'allume dans le fond de ses pupilles, parce qu'els, elle comprend pas comment ils peuvent croire qu'ils sont une élite. comment ils peuvent espérer changer la face du monde, ou simplement maitriser tout le monde. contrôler. gouverner dans l'ombre. ça lui parait être une absurdité sans nom. cette soirée ne fait exception. toujours les mêmes rengaines, dans les mêmes bouches, et elle elle déambule, un verre de vin à la main. l'oreille lasse traîne ça et là, et les lèvres s'humectent dans le verre qu'elle ne boira jamais vraiment. le regard balaie sans capter qui que ce soit en particulier. distraite. pas vraiment là. et sans crier gare, le corps en percute un autre, stupéfaite d'être ramené à la réalité brutalement. le contenu du verre danse, déborde, minuscule tsunami qui se jette droit sur la poitrine de la personne qui a arrêté sa divagation. le regard affolé trouve alors l'identité de sa victime. cette fille déjà plusieurs fois croisée, au moins aussi passionnée qu'elle. "mince." ça vaut comme plates excuses version els, déboussolée d'avoir perdu le contrôle de sa vie pour trente malheureuses secondes qui lui auront fait verser son vin sur quelqu'un qui n'avait rien demandé. elle se sent idiote, à la dévisager entre incompréhension et malaise. "ida je suis désolée j'étais…" ailleurs. à côté de la plaque. elle s'empresse de poser son verre coupable et maintenant vide, avant de ne pas pouvoir s'empêcher de lâcher un petit rire nerveux. "tu t'ennuyais j'espère. c'est maintenant révolu, tu devrais me remercier." c'était absurde, d'accepter ce verre que de toute façon elle savait pertinemment qu'elle n'allait pas boire. punie d'avoir eu l'arrogance de croire qu'elle pourrait jouer à la mondaine comme tous ces idiots, s'intégrer par la vigne plutôt que par le sang, mais rien. échec. ramené à sa nature, ida comme signe vivant qu'elle est définitivement plutôt faite pour être avec les gens comme elle, ceux qui s'ennuient, ceux qui se demandent ce qu'ils font là, plutôt que les autres. "je suis désolée pour ta tenue." c'est par ça qu'elle aurait du commencer sans doute. si elle avait les bons codes. si elle savait gérer ses relations avec un peu plus de délicatesse. pas au programme ce soir, de toute évidence.

ça jure. les mots échappés de sa bouche, la spontanéité au milieu de tous ces gens ennuyeux à mourir. ida pourrait la faire rire si elle n'était pas saisi autant pas sa maladresse, que la couleur qui infuse le tissu ivoire. ça tourne quelques têtes, la vulgarité, les éclats de surprises conjugués et c'est précisément ce qui fait naître un sourire complice sur ses lèvres alors qu'elle redresse la tête. qu'ils regardent, qu'ils jugent, qu'ils se fassent une idée de ce à quoi peu ressembler deux personnes vivantes et non pas deux pantins comme le reste des invités. des animaux empaillés, des personnes creuses, des acteurs tout au mieux mais ils lui donnent pour beaucoup le sentiment d'être guère plus que des poupées de cire en représentation. "la politesse c'est aussi chiant que tous ces gens ici, pas de mal." qu'elle glisse avec amusement alors qu'elle se demande déjà s'il ne faudrait pas qu'elles se servent un nouveau verre toutes les deux pour survivre. que c'est peut être pour ça que tout le monde se promène à ses soirées avec jamais moins qu'un faux sourire et un verre à pied, habilement glissé entre le majeur et l'annulaire. et à l'évocation du rachat du vêtement, c'est le malaise qui prime sur tout le reste. ça lui rappelle, qu'elle, elle aurait sans doute du s'acharner longtemps pour essayer de rattraper la tache avant de se faire une raison et jeter le haut sans pouvoir se permettre de le racheter. "je suis sincèrement désolée ida…" la répétition comme si ça pouvait rattraper les choses, elle grimace un instant malgré le rire d'ida qui est un son agréable. ça égaye la pièce, la soirée, l'instant et ça en ferait presque oublier les autres, la confrérie, la pression sociale. elle fait tout disparaître avec quelques jours légers et pour ça, els ne peut que lui en être reconnaissante. "on échange de haut si tu veux… c'est ma faute après tout." et elle pourrait le supporter, d'avoir l'air d'une fille maladroite et pas adaptée à l'ambiance générale, vêtu d'un haut qui crierait aux yeux de tous qu'elle ne sait même pas tenir un verre droit. "le rouge m'irait mieux qu'à toi." qu'elle plaisante en riant avant de lancer un mouvement de menton plus loin. "tu veux un verre ?" qu'elle tente maladroitement alors qu'elle en a assez fait avec l'alcool pour ce soir. pas capable de le boire, pas capable de le garder dans un verre, elle pourrait bien dans un élan d'inattention absurde achever la tenue d'ida qui n'a pas demandé à subir sa présence. le regard va instinctivement observer l'assemblée à la question, à la recherche de l'unique visage qu'elle n'avouera jamais chercher surtout. "mh ? seule oui. toujours. pas toi ? ça y est tu es tombée folle amoureux d'un de ces imbéciles qui pensent que la confrérie va sauver le monde ?" doucement moqueuse, elle s'amuse, cherche à imaginer ida au bras d'un de ces types qui se croit au centre du monde en ayant son entrée ici. "tu es passée du côté obscur ça y est. tu vas pas tarder à me vanter les louanges de la confrérie, je savais que ça finirait par arriver."