plus bas que terre (sujin)

les néons dégueulasses donnent un air de zombies aux rares personnes osant braver la fraîcheur de cette foutue nuit. la supérette est étonnement surpeuplée ce soir-là. ironique, quand on observe la rue déserte. y'a des gamins, avec des chips, une grand-mère, avec du scotch. alcool, clopes, capotes. eddy, il est le seul connard à se perdre au rayon des sandwichs déjà préparés. il a pas mangé encore, pas un morceau de toute la journée. il a dédié sa pause à des clients de passage, de ceux qui sont pas inscrits sur le registre, de ceux qui sont pas réguliers, de ceux qui laissent des marques dans la chair, mais qui se barrent vite fait. des extras, qu'il dit, quand le besoin de thunes se fait trop important. et il est crevé, eddy, les yeux cernés peinent à rester ouverts. ça fait cinq minutes qu'il est planté là, à hésiter entre un truc veggie et un autre au jambon.

c'est assez pathétique, au fond.

il sort de là au moment de la fermeture. au bout de sa main, une canette de soda, un peu trop froide, l'autre tient le morceau de pain ((le jambon l'emporte)) il a la capuche ramenée sur la gueule, parce qu'il flotte un peu trop fort, et il regarde ses pieds, mais en fait pas vraiment, plutôt le trottoir, et les flaques qui ont l'audace de lui renvoyer à la gueule son reflet. on pourrait arrêter l'histoire à cet instant, il retourne à l’hôtel, la page est tournée. sauf qu'on sait pas trop comment, y'a son pied qui glisse du trottoir, la marche un peu trop haute, le corps qui bascule, qui se ramasse, la main sur la canette, la canette qui explose, le soda collant partout, l'allu planté dans la main, le pain dans la flotte, le soupir sur les lèvres, le cul sur le béton. il se sent nauséeux, le gamin. minable et nauséeux. ça fait un mal de chien.

putain putain putain

il a récupéré contre lui sa paume ouverte, a le réflexe de tirer sur sa manche pour limiter une effusion de sang ((c'est qu'une coupure, c'est pas profond, mais ça fait un mal de chien)) ramassé sur lui, encore à terre, la chute qui pèse un peu lourd sur la fierté; sans parler de la dégaine de chien mouillé.

et puis, y'a un temps d'arrêt.
où il regarde alternativement
le sandwich détrempé,
les gouttes de sang sur le pavé,
la canette éventrée.

et il sait plus tout à fait s'il a envie de rire ou de chialer.

c'est un rp libre, enjoie et tu me feras plaisir

Traîne tard le soir, l’angelot au regard perdu. Orbes dans l’vague, tu ne prêtes attention à personne, à rien. Pensées qui s’emmêlent, couleurs chatoyantes qui s’animent dans ta caboche, toiles inspirantes qui t’fascinent, suscitent ton envie et éveillent ton besoin d’expression. Artiste, tu vibres pour un rien, pour un tout et ton esprit danse avec tous ces détails qui s’y invitent, prennent possession de ta tête. Toute la place. Imagination débordante, pensées envahissantes. L’âme guérit ainsi. T’as besoin de ça pour t’éloigner de toi, de tes tracas.

La pluie te surprend. Tombe par grosses gouttes sur ta tête, trempe ton chandail et s’infiltre, ruisselle sur tes os. Rapidement, tu trembles et, à petit pas pressés, t’essaies de rentrer au plus vite. Les trottoirs sont glissants, les ombres se faufilent, se reflètent dans les flaques. Lumières jaunies qui éblouissent, éclaboussent lorsque tes pieds frappent le pavé. Trouve refuge sous un porche, le temps de retrouver ton souffle, de vérifier que t’as bien tes clés. La petite épicerie du coin de la rue est en train de fermer, tu souris en voyant les néons grésiller. T’es presque arrivé.

Myocarde tambourinant, rythme effréné au sein de ta poitrine, tu calcules le chemin qu’il te reste à faire lorsqu’une vision peu commune te sors de tes pensées. Jeune homme qui tombe, s’fait mal, voit ses biens s’étaler autour de lui et sous la pluie, semble désespéré. Vision qui t’ébranle, te secoue, te renvoie ta propre image esseulée. Tes lèvres se pincent, ton coeur aussi, et tes jambes font le trajet jusqu’à lui sans même que tu ne t’en rendes compte.

Vite accroupi, tu demandes. ”Est-ce que ça va ? Je t’ai vu tomber, tu t’es fait mal ?” Douceur, toujours. Panique en voyant le sang, tu détournes le regard en sentant l’angoisse monter. T’aperçois alors la canette éventrée et le pain mouillé, étalé sur la chaussée. Il pleut toujours, ta frange masquent presque tes yeux alors que tu reprends la parole. ”T’es seul ? J’habite pas loin, si tu veux on peut regarder ta main… Voir s’il faut aller à l’hopital.” Pragmatisme qui l’emporte, t’essaies d’aider. Toujours à tendre la main, même si ça ne te rapporte rien. Car tu sais pas détourner vraiment le regard, toi. Tu sais pas faire ça, alors que tu devrais parfois.

Main tendue avec sincérité, tu tentes un petit sourire convaincant.
Verra-t-il l’innocence voilée derrière tes traits douloureux ?
Ou se méfiera-t-il de tant de bonté dépourvue d’égoïsme ?
Qui sait ce que cette rencontre fortuite pourra vous apporter.

Spoiler:

la pluie sur ses joues forme comme des larmes, sans qu'il ne laisse libre court à sa tristesse. c'est sûrement le dernier rempart qui l'empêche d'éclater en sanglots. à quoi bon gaspiller son énergie à chialer quand le monde autour s'occupe de le faire à votre place. nouveau soupir. faudrait se relever, songer à y aller. pourtant, il marque un temps d'arrêt, comme une pause dans son existence. et s'il avait tout à coup envie d'y rester, sur son putain de pavé ? mais c'est sans compter sur la silhouette légère et délicate d'un nouveau venu. cheveux noirs, air de chiot battu, il a l'impression de voir son reflet dans un miroir, lorsque ses prunelles sombres se lèvent vers son visage. est-ce que ça va ? il entrouvre les lèvres, déjà prêt à répondre quand je t’ai vu tomber, tu t’es fait mal ? silence.

il le dévisage avec un peu plus d'attention. le teint pâle, rendu blafard par la lueur des néons et celle plus jaune des lampadaire. les mèches sur son front dissimulent jusqu'à ses cils, il faut chercher entre les lignes pour distinguer ses yeux brillants d'une douce inquiétude qu'il est impossible de simuler. merde, t'as vu la chute. le sourire qui se dessine sur ses lippes, s'étire jusqu'à dévoiler ses dents, un léger rire un peu gêné pour compenser la sensation de médiocrité. oui, ça va, c'est gentil. articulé dans un souffle, alors que l'autre se détourne déjà pour observer l'étendue des dégâts. il l'imite le gosse, comme s'il découvrait le spectacle pour la première fois. canette, pain. en dix secondes de temps, rien n'a changé. ça lui serre la gorge. t’es seul ? j’habite pas loin, si tu veux on peut regarder ta main… voir s’il faut aller à l’hôpital.

les yeux d'eddy qui se lèvent
l e n t e m e n t
vers lui.

court silence.
la gratitude touchante au fond de ses pupilles

de sa main valide, il s'empare de celle tendue et en un instant, le voilà sur pied, le bas du corps trempé. dans le mouvement, la capuche est tombée, révélant la tignasse courte et d'un rose indécent pour une soirée aussi grise que celle-ci. pour protéger son crâne de la pluie, il tire déjà sur le tissu pour dissimuler tout ça. ouais j'ai - ouais, je suis seul. qu'il répond enfin. lentement, il remonte un peu sa manche, dévoile sa paume ensanglantée, une grimace aux lèvres, car la douleur pulse dans la chair. je crois que c'est superficiel. ses yeux noirs qui reviennent au visage poupin du garçon. une perfection à coupée le souffle, il se sent bien minable le blessé, avec sa gueule tatouée. mais si tu as de quoi désinfecter, je dis pas non… un nouveau sourire, rayonnant, dévorant de chaleur. il a pas peur d'aller chez l'inconnu, eddy, il a fait pire et chez plus terrifiant. il est plutôt préoccupé par les conséquences de la chute, la marchandise abîmée qu'il est, espérant que ça n'impactera pas son quotidien.

@sujin yoo

Rire léger, fluet, s'élève dans la nuit, égaye la triste mélodie diluvienne qui tombe du ciel. Douceur qui t'rassure, toi qui, prompt pour aider te fais souvent renvoyer.

Main tendue qu'il saisit et le voilà debout à nouveau. Cils qui papillonnent, soudain impressionné par sa présence qui envahit tout l'espace. Éphèbe apeuré qui s'transforme, a l'air bien plus sûr de lui - ou n'est-ce là qu'un effet de la gravité ? Vite effrayé par tes semblables, tu luttes malgré tout et proposes ton aide - car tu ne sais pas faire autrement, toi.  ouais j'ai - ouais, je suis seul. Orbes d'obsidienne qui s'remettent à le dévisager, rapide coup d'oeil vers la paume ensanglantée et nouvelle grimace pour réprimer le sang qui se glace en toi à la vision. je crois que c'est superficiel. Hochant la tête, tu te racles la gorge, t'obligeant à garder la tête froide. Ce n'est qu'un peu de sang, tu peux le faire, tu peux ignorer le malaise qui s'invite à la fête. mais si tu as de quoi désinfecter, je dis pas non… Sourire confiant qui s'pose sur tes lèvres, tu réponds vivement -- j'ai. viens, c'est pas loin. -- Encourageante, la paume qui s'pose sur son épaule sans hésitation. Tactile, comme toujours, incapable de te protéger, de mettre une juste distance avec les autres. -- la pluie ne cesse jamais ici -- Pas que ça te change beaucoup en réalité, ni même que tu ne l'apprécies pas, mais t'as besoin de meubler, de dire quelque chose, d'entendre ta propre voix comme pour te persuader toi-même que t'es bien là, en train d'agir, à cet instant précis.

Rapidement, les pas vous mènent devant l'immeuble délabré qui recueille ta solitude. Clé qui tourne dans la serrure, porte qui s'ouvre sur ton quotidien miséreux, l'espace est restreint, petit et très peu meublé. Un clic-clac qui fait office de canapé et de lit, une table branlante qui trône au milieu de la pièce, face à une mini kitchenette. Seule et unique pièce dans laquelle tu vis, où tu ne t'attardes vraiment jamais, préférant les espaces extérieurs et la liberté au cloisonnement et à l'isolement. Lumière blafarde qui s'allume, tu ne prêtes guère attention à l'état des lieux. Trônent sur la table des croquis, des livres d'art, dans un coin des peintures inachevées, ainsi que des toiles vierges prêtes à recueillir tes prochaines inspirations, quelques éléments étranges sculptés, pierre modelée et bois taillé, exposés çà et là dans la minuscule pièce. Endroit surchargé de fait, mais qui, au lieu d'être étouffant, reste pour toi, incroyablement rassurant. Ce sont des pièces détachées de ta personnalité, un peu de toi dans chaque recoin, un peu de toi éparpillé, un peu de toi étalé.

Ouvre les placards en donnant des ordres avec douceur. -- Assis-toi sur le canapé, vire ce qu'il y a dessus, t'en fais pas. Je te cherche du désinfectant... -- Cherche la bouteille foutue dans un coin, abandonnée depuis un moment, remues un peu tout pendant ta quête, jusqu'à trouver le fameux élixir que tu brandis fièrement. -- trouvé ! -- Sourire béat du gosse qui accomplit une bonne action et mérite les félicitations. Tu reviens vers lui avec le produit sensé détruire toutes les mauvaises bactéries. -- oh moi c'est Sujin au fait. tu veux boire un truc peut-être ? vu que ta canette s'est renversée. ton sandwich était foutu aussi.  t'as faim ? -- Sincérité brillante au fond des iris obscurs. Douceur inégalable que celle de l'innocence qui t'colle à la peau, en dépit de la dureté avec laquelle on te traîte d'ordinaire. Essence même qu'on ne peut changer, éradiquer. C'est sûrement ce qui déplaît chez toi, cette force immuable qu'on ne peut altérer. Qui sait ?

Spoiler: