head in the clouds (rosa)

elle a la tête ailleurs, diwa. pas du tout à ce qu'il se passe en salle de cours, non. le cerveau qui tourne en boucle, essaie de retracer sa soirée du samedi dans l'ordre, dans le détail, parce que tout se mélange et elle sait plus très bien, si elle a rêvé ou pas, si tout s'est vraiment passé comme elle en a l'impression. ça lui parait tellement improbable, tellement pas... elle. le fait qu'elle se soit rendu à cette soirée, déjà. d'où lui est venue cette idée d'accepter l'invitation de ce type qui ne fait que se foutre d'elle depuis le début de l'année ? comment elle a pu croire qu'il était honnête et que ce ne serait vraiment qu'une soirée entre potes, et non une grosse fête chez quelqu'un qu'elle ne connait pas ? ne connaissait pas. parce qu'elle a eu tout le temps de faire plus ample connaissance avec le propriétaire du palace. rien que de repenser au jacuzzi, elle sent le sang lui monter au joue. alors quand ses pensées reviennent sur ce qu'il s'est passé après... elle en aurait presque des palpitations. l'attention plus que relative alors qu'elle se revoit dans ses draps, elle n'entend pas le prof qui l'interroge, une fois, deux fois, qui vient se planter devant elle face à son absence de réponse. les doigts qui viennent claquer devant ses yeux alors que quelques rires fusent autour d'elle, et elle est mortifiée, envahit par la honte alors que l'enseignant lui suggère de rester chez elle, si elle n'est pas capable de suivre. elle baisse le regard, la gosse, hoche doucement de la tête, parce que ça ne lui ressemble pas, de ne pas suivre en cours, de penser à ce genre de chose, elle est perdue, diwa. et en même temps, elle arrive pas à penser à autre chose, à le faire disparaître de son cerveau, avec sa gueule d'ange et son sourire qui fait fondre ses barrières en un clin d'oeil. tellement perdue dans ses pensées qu'elle remarque même pas les commentaires qui se font dans son dos, que ce soit ceux qui étaient à la soirée ou ceux qui aperçoivent les traces dans son cou, dont elle a complètement oublié l'existence, alors qu'elle a retiré son écharpe en début de cours. la fin du cours arrive enfin, délivrance, et elle s'empresse de ranger ses affaires, se précipite vers la sortie en faisant tout pour ne croiser le regard de personne. sauf qu'elle en fini par percuté quelqu'un en voulant passer la porte, son sac qui se vide sur le sol. manquait plus que ça. le regard affolé qui se relève alors que le corps s'abaisse pour ramasser les cahiers avant qu'ils ne soient piétinés, reconnait un visage amical. au moins elle ne risque pas de finir explosée contre un mur, cette fois. « oh, désolée, rosa, je t'avais pas vu ! »

concentration concentration. dernier cours de la matinée, pas le plus intéressant. mais on s’y fait. elle chasse les mauvaises pensées tant que possible. gamine perturbée par la perte de sa montre, ce cadeau de son frère, bien trop précieux. elle est persuadée de savoir où est sa montre, au moins de savoir qui la lui a prise. mais sans preuve c’est difficile d’accuser quelqu’un. et pas question de demander de l’aide à valentijn ou a qui que ce soit d’autre. le regard qui se perd dehors quelques instants. après la montre, c’est son mec qui lui vient en tête. les histoires qui viennent et qui partent. les rumeurs, les photos. la réputation qui va avec. ça tourne en boucle dans sa tête, ses paroles à lui, les mots de son frère. la guerre entre les deux. c’est fatiguant à force, de jamais réellement savoir à quoi s’attendre ni savoir sur quel pied danser. le regard qui se repose ensuite sur la salle de classe, l’attention captée quelques secondes par les mots écrits sur le tableau puis par les commentaires de la nana installée à coté d’elle. le t’as vu, les traces dans le coup de diwa lui font froncer les sourcils. non elle avait pas vu, mais maintenant c’est chose faite. et ça l’intrigue à  rosa. vraiment. les questions qui se bousculent à nouveau dans sa tête. c’est pas vraiment le genre de diwa ça. pas la diwa qu’elle connait en tout cas. celle qui est calme, réservée, qui part quasiment jamais en soirée. c’est vraiment étrange. et ce qu’il l’est encore plus c’est qu’elle ne cache pas les marques. rosa grimace, à sa place clairement, elle aurait déposé dix tonnes de fond de teint sur les traces et aurait gardé  l’écharpe quitte à mourrir de chaud. puis la fin des cours est enfin annoncée, libération. machinalement rosa range ses affaires, le semblant de notes qu’elle a pris et suis la foule qui sort de la salle. et c’est là qu’elle percute une diwa pleine de determination à fuir l’endroit. étrange. évidemment, rosa s’accroupit pour aider son amie à ramasser ses affaires éparpillées un peu partout. « oh c’est rien, t’inquiètes, tu avais l’air bien perdue dans tes pensées » le sourire chaleureux de la miss van der leeuw alors qu’elle lui tend les quelques feuilles qu’elle a ramassé. « comment tu vas depuis le temps ? »

rosa qui se baisse pour l'aider à ramasser ses affaires, et ça la mortifie encore un peu plus, parce qu'elle ne supporte pas ça, de déranger les autres, d'être un poids pour eux. « non mais te dérange pas, ça va, je vais ramasser, je regardais pas devant moi, c'est ma faute. » le sourire gêné qui vient lui tirer les lèvres alors qu'elle s'empresse de ramasser ce qu'elle peut. la remarque de rosa qui vient se planter droit dans le ventre. perdue dans ses pensées, c'est plus qu'un euphémisme à ce stade. noyée dans le flot incessant de souvenirs flous de cette foutue soirée qui la hante, ce serait plus représentatif. elle étouffe. récupère les feuilles que rosa lui tend pour les glisser dans son sac. « merci... » elle essaie de lui rendre son sourire, mais la chaleur n'y est pas tout à fait, encore trop obnubilée par tous ces évènements qui la travaille. elle les entends, les rires sur son passage, elle les voit bien, les regards de travers. sauf qu'elle n'a pas du tout l'habitude d'être le centre de l'attention, comme ça, que ça l'oppresse plus qu'autre chose, l'angoisse qui monte en elle à l'idée des rumeurs qui pourraient circuler dans son dos. une chance que sa famille ne soit pas dans ce pays et que personne ne les connaisse, parce que son frère serait capable de rappliquer sur l'instant pour reprendre les choses en main. prête à fuir aussi vite qu'elle a percuté rosa, sa question la prend par surprise, et elle reste un instant bouche bée, incapable de répondre. comment elle va ? très bonne question. pas bien. bien. les deux à la fois. elle sait plus. la confusion et le chaos qui règne en elle alors qu'elle essaie d'intégrer tout ce qu'il s'est passé, toutes les découvertes qu'elle n'aurait jamais pensé faire ici, encore moins en soirée. « euh... je... sais pas ? » elle aura essayé. incapable de mentir depuis toujours, ce n'est apparemment pas aujourd'hui qu'elle commencera. « ça te dis d'aller manger un truc ? » la nourriture comme échappatoire, comme réconfort, vers qui elle se tourne toujours quand elle ne va pas bien ou qu'elle a besoin d'éclaircir les choses. et même si elle n'a pas la moindre idée de quoi dire ou de par où commencer, elle se dit que parler à quelqu'un, ça ne peut pas lui faire du mal ?

c’est instinctif. se baisser pour aider son amie. instinctif et tout ce qu’il y a de plus normal. « t’inquiètes pas, ça me dérange pas » le petit clin d’œil complice alors qu’elle ramasse encore quelques feuilles. le plus possible avant que les pauvres ne soient piétinées par la foule locale qui ne fait absolument pas attention à ce qu’il se passe devant et autour d’eux. elle lui tend encore quelques feuilles et sourit machinalement. pourtant, elle sent bien que quelque chose cloche, c’est presque encore plus flagrant que tout à l’heure dans la salle de cours. diwa semble absente, ailleurs, sans doute dans son monde mais en tout cas pas vraiment présente. c’est étonnant. rosa aussi, entend les rires, les messes basses des autres qui passent devant elles, le regard appuyé vers diwa. c’est pas hyper discret, presque agaçant ces pseudos jugements. gamine qui se retient d’allumer un par un ceux qui s’amusent de son amie. pourtant, elle comprend très vite qu’il y a sans doute une raison à tout ça. d’autant que diwa ne semble pas trop savoir elle-même où elle est. ni comment elle va. c’est étrange, perturbant, questionnant même. « tu sais pas ? c’est … c’est-à-dire ? » elle hésite à insister, diwa ne l’enverra pas bouler, elle en est certaine, mais elle ne veut pas non plus trop la braquer. alors quand elle dévie sur le fait d’aller manger un morceau, c’est naturellement que rosa accepte. « oui bien sur ! avec plaisir » ce sera sans doute plus facile de la faire parler avec un bon repas. tout le monde sait qu’un estomac bien rempli est plus bavard. « tu veux aller ou ? à la cafet ? dans un endroit plus calme ? » et donc en toute logique plus propice aux discussions loin des commérages des  autres étudiants.  

elle a aucune idée de ce que ça veut dire, ce je-ne-sais-pas. tout est encore tellement flou dans sa tête qu'elle n'a aucune idée de comment elle se sent, que tout se mélange, qu'elle n'est même pas sûre de se souvenir parfaitement de tout. l'alcool qui fait des dégâts aussi important sur sa mémoire que sur sa retenue, elle n'arrive plus très bien à distinguer la limite entre le rêve et la réalité. tout lui semble si incohérent, si surprenant, si... improbable par rapport à ce qu'elle est, ce qu'elle a toujours été. « c'est à dire que... c'est... compliqué ? » elle n'a pas d'autres mots. elle essaie, pourtant, aimerait bien réussir à mettre son cerveau au clair, et en parler l'aiderait sûrement. mais dans ce couloir, avec le va et vient incessant, ces regards insistants, elle est incapable d'aligner le moindre mot. l'idée d'aller manger lui traverse l'esprit, et elle est ravie de voir que rosa accepte, lui offre un vrai sourire cette fois, convaincue qu'une fois tranquille et rassasiée, elle y verra plus claire. son choix vite arrêté, hors de question de manger à la cafétéria, où elle est sûre et certaine de tomber sur un bon nombre de ceux qui étaient présents. notamment celui-là même qui l'a invité à cette soirée, et qu'ils ont battu à sa première partie de beerpong. équipe de choc, right ? elle a adoré ça, sur le moment, avoir son petit moment de gloire. mais la suite... « n'importe où mais pas la cafet. enfin... si ça te va ? » trop directe, trop pressée de sortir, elle va forcément se poser des questions si ce n'était pas déjà le cas. « y a un truc sympa pas loin, je vais te montrer. » si elle a proposé les deux, c'est qu'elle accepte de sortir, non ? elle entraîne son amie dehors, jusqu'à ce petit café tranquille où ils servent probablement les meilleurs hamburgers qu'elle ait jamais mangé de sa vie. le verre de coca qui arrive en attendant la suite, et elle joue distraitement avec la paille alors qu'elle réfléchit à comment aborder le sujet qui la tracasse sans passer pour une idiote. « dis, rosa... t'as déjà... trop bu ? » elle pourrait claquer sa main contre son front tellement sa naïveté lui saute soudainement aux yeux. elle qui ne voulait pas passer pour une gamine, c'est raté.