midnight swim (saul)

Ombre qui traverse la nuit sans se faire remarquer, laisse à peine une trace délicate sur les murs à la lueur diffuse des lampadaires dans la brume. Elle se font dans le décor, douce silhouette qui se meut sans un bruit, tenant plus de l'ectoplasme que de l'être fait de chair et de sang. Fantôme qui hante les rues de la ville à cette heure indécente, mais Morphée semble bien décidé à lui refuser ses bras pour la nuit. Et à quoi bon rester au lit si la seule occupation consiste à contempler le plafond, sans fin ? A rien. Elle n'a même pas prit la peine de s'habiller, s'est contentée d'enfiler une veste en laine par dessus la chemise de nuit de dentelle blanche, paire de bottes noires au pied, avant de quitter la demeure familiale, prenant soin de ne réveiller personne sur son passage. Il ne manquerait plus qu'Egon l'attrape avant qu'elle ait atteint la porte. Le frère bien plus terrifiant que le père, tout simplement parce qu'il en a quelque chose à faire, d'elle. Un peu trop, parfois. Mais ça reste le frère qu'elle a peur de décevoir, encore, s'il venait à  apprendre ce qui se passe dans la tête de la brune.

Elle erre sans but, à peine dérangée par le froid qui vient mordre la peau nue de ses jambes, glisse entre les rares passants sans pour autant accrocher les regards. Le vide à l'intérieur alors qu'elle longe le canal. Le pourquoi de son existence qui revient la hanter, encore et encore, inlassablement, sans qu'elle ne parvienne à trouver de réponses cohérentes. Un job certes qui rapportent, et qui à le mérite de l'intéresser un minimum, mais loin d'être des plus passionnants. Une vie affective des plus mornes, en dehors du frère parfois étouffant. Peu de gens qui parviennent à accrocher réellement son intérêt. Les hommes encore moins... Et puis, n'est pas encore né celui qui sera capable de tenir tête à Egon. Où va-t-elle, là est toute la question. Dans la vie, dans les rues, dans tout. Perdue. Sentiment qui lui colle à la peau depuis toujours, semble ne pas vouloir la laisser en paix. Jamais. Et ça l'épuise, Silke. Elle aimerait ne plus rien ressentir, du tout. Ou l'inverse. Tout ressentir, de façon exacerbée. Ne plus être dans cet entre-deux entre la vie et la mort. Les chaussures sont abandonnées sur le pavé, la veste glisse le long du corps avant de rejoindre le sol, alors qu'elle grimpe sur la rambarde du pont. Assise un instant, elle contemple le noir d'encre qui s'offre à elle sous ses pieds. Fascinant, la façon dont les lumières dansent au sommet des vaguelettes. Ce chant qui semble l'appeler, là, en bas, dans les profondeurs. Et si... Profonde inspiration. L'eau s'ouvre avec délicatesse sur son passage, glaciale, et elle ne s'est jamais senti aussi vivante qu'avec le souffle coupé.

le service qui se termine enfin d'une longue soirée à écouter les clients se plaindre de leur misérable vies et de quotidiens dont il en aurait presque envie de vomir. il déteste ça, eux, ces gens qui pensent qu'il en a quelque chose à foutre alors qu'il ne souhaite que rentrer chez lui et s'allumer une ou deux cigarettes avant de rejoindre Morphée. plus tard on lui annoncera sûrement un cancer a force de fumer autant, comme si ses poumons étaient indestructibles. il s'en fiche de son avenir, tant que son présent lui est quelque peu facile à vivre. et si avant, il n'était qu'un enfant battu avant de finir sdf pour enfin être celui qu'il est aujourd'hui ; un barman vivant dans une colocation plus que désagréable dont sa propre routine laisse à désirer. obsession du moment, un étudiant en art dont il en tombe amoureux. à gerber pour le démon qui sommeil en lui, ce monstre prêt surgir n'importe quand pour détruire une âme sur son passage. peu importe laquelle.

assis dehors dans le froid, cigarette entre les lèvres juste à regarder les étoiles, une étrange scène face à lui l'interpelle soudainement. silhouette féminine inquiétante au bord du suicide. l'observer est un délice de ce monstre enfin réveillé qui se délecte à la voir sombrer. l'arrêter ? oh non, un sourire s'y dessine à son visage fermé. sourire inquiétant quand son ange n'est pas là pour le guider. l'obscurité prend le dessus sur sa personne, endors le mec bien qu'il semblait devenir. ah oui les frissons sont là, sombre folle qui se laisse tomber dans l'eau glacée. rire diabolique d'un mec qui ne bougera pas. et pourtant.

curieux de la voir sombrer sous l'eau, il se rapproche pour regarder. n'y voit rien que l'eau noire et ainsi une forme d'inquiétude apparait. l'autre s'éveille, hurlant d'aller l'aider et de la sortir de ce merdier. sujin ne va pas apprécier s'il apprend qu'il n'a rien fait. agacé, il plonge à son tour avant de se mettre à sa recherche. l'eau qui glace son corps, percute son coeur et son esprit embrouillé. et soudain, en cherchant bien, elle apparait. la rage au ventre, il attrape la poupée afin de la ramener à la surface. mais pour autant, il aurait bien envie de lui remettre la tête sous l'eau à cette folle. -- espèce de tarée. --

poupée de chiffon qui se laisse imbiber d'eau glacée, se laisse sombrer alors que le froid tétanise ses muscles. la respiration bloquée, les yeux ouverts alors qu'elle se maintient juste sous la surface, contemple les lumières qui dansent au dessus d'elle, c'est presque poétique. elle reste un moment comme ça, oscillant entre l'envie de rester au fond de l'eau et le désir de remonter à l'air libre. sauf qu'on est bien, dans l'eau. elle se sent légère, la température qui vient anesthésier ses neurones, elle ne pense plus à rien, et ça fait du bien. un bien fou même. elle se lance le défi fou de rester aussi longtemps que ses poumons le lui permettront, avant de remonter. pas vraiment prête à se retrouver de nouveau face à un egon fou furieux à l'hôpital. pas pour l'instant. elle se sentirait presque libérée, à flotter entre deux mondes. libération qui n'est que de courte durée quand deux mains viennent la saisir à même le corps pour la remonter à la surface. l'air froid qui vient lui brûler les poumons, mordre son visage, frisson qui la parcours alors que son tortionnaire l'insulte. tortionnaire, parce qu'il aura osé la sortir de sa douce rêverie, de cet instant de légèreté, si rare ces derniers temps qu'elle aurait aimé en profiter un peu plus longtemps. son regard plonge dans les prunelles noires qui semblent prêtes à l'assassiner sur place, et ça la ferait presque rire. sourcil qui s'arque au-dessus de l'oeil, le coin de la lèvre qui s'étire. « drôle de façon de récupérer une suicidaire. t'es pas censée essayé de me rassurer sur mon état plutôt que de me traiter de tarée ? » l'hôpital qui se fout de la charité, parce qu'elle a jamais su rester sérieuse quand il s'agit de son état et de ce qui peut se passer dans sa tête. et qu'elle aime ça, en jouer avec les gens qui ne la connaisse pas. leur faire peur, les déstabiliser. distraction non négligeable pour la brune qui vient relever le visage de l'inconnu d'un doigt glissé sous le menton alors qu'elle approche son visage un peu plus, plante son regard dans le sien. « et puis entre nous, pas sûre que ce soit moi la plus tarée des deux. parce que se marrer quand quelqu'un saute d'un pont, c'est pas ce que j'appelle être sain d'esprit... » sourire mutin qui se plante sur les lèvres alors qu'elle passe ses bras derrières sa nuque, bien décidée à jouer les sirènes ce soir. « alors dis-moi, qu'est-ce qui t'as fait changé d'avis, chéri ? pourquoi t'as fini par plonger ? » à défaut de réellement l'intriguée, ça meublera l'insomnie.