rattrapage / silke

elle voulait pas sortir silke. elle avait pas du tout envie d'aller boire un coup dans un putain de bar à la con. parce qu'elle a jamais aimé ça, d'abord. elle voit pas l'intérêt de ce genre d'endroit, encore moins de se bourrer la gueule en public. et puis elle aime pas ça, sortir. devoir être en contact avec les gens, devoir faire semblant d'être un minimum sociale alors qu'elle se fait royalement chier. non, elle préfère restée terrée dans sa chambre, à contempler le plafond dans l'obscurité, regarder les ombres y danser au gré du vent et de la lumière des lampadaires. sauf que ce soir, elle a pas vraiment le choix. petit pot entre collègues du musée, déjà qu'elle passe trop facilement pour le mouton noir de la bande, elle a pas trop envie d'en rajouter une couche. surtout que sa mère l'a limite foutue dehors, à coup de va ma fille, tu te feras peut-être des amis. pas la moindre envie de mettre le souhait à exécution, mais elle s'est quand même bougée. elle a quand même fait ce putain d'effort pour se rendre dans ce putain de bar. en retard, certes, mais présente quand même. alors quand elle passe la porte de l'établissement pour se rendre compte qu'il n'y a personne, pas un seul de ses collègues, la mâchoire se serre alors que la colère monte en elle. le portable quitte la poche, le temps d'envoyer un message à l'organisatrice de la soirée. la réponse qui arrive cinq minutes plus tard, excuse bidon du oups, sorry, on pensait que tu viendrais pas, on a bougé du coup. envie folle d'exploser le portable contre le sol ou sur la tête du premier imbécile venu, au choix. ou des premiers imbéciles venus, semble-t-il, quand une bande de connards ne trouve rien de mieux à faire que de la reluquer. le majeur qui se dresse fièrement alors qu'elle se fraye un chemin jusqu'au bar. quitte à être là, autant en profiter. le bruit qui lui vrille les oreilles, mais rien à foutre. signe au barman, whisky sec, elle attend gentiment son verre quand l'un des idiots s'approche sans gêne. se porterait-il volontaire pour qu'elle lui explose son portable au visage ? les yeux qui roulent à en tomber de leurs orbites face à la banalité de la technique d'approche, alors qu'elle descend son verre d'une traite, des fois que ça fasse passer la pilule. spoiler : it doesn't. « laisse moi deviner : t'es le seul à avoir des neurones à peu près potable dans la bande, c'est ça ? » elle ne le gratifie même pas d'un regard alors qu'elle demande un refill au barman, se dit qu'il comprendra les signaux. mais faut croire que ses neurones sont quasi inexistants puisqu'il ne bouge pas, va jusqu'à lui offrir un verre. la langue qui vient claquer contre le palais alors qu'elle tourne enfin la tête vers lui. damn, on dirait un enfant. sourcil qui s'arque au dessus de l'oeil glacial. « est-ce que t'as seulement l'âge de pouvoir m'offrir un verre, à défaut d'un cerveau opérationnel ? »

pas le plus con, qu'il dit. les yeux qui se lèvent au ciel, parce que ça laisse peu de chances aux autres de s'en sortir dans la vie. « c'est vachement encourageant pour ta bande de demeurés, ça. » aucun scrupule à les attaquer sans les connaître plus que ça, un coup d'oeil lui aura suffit pour comprendre qu'elle n'a pas la moindre envie de s'approcher de ce genre d'homosapiens sous développés. ils ont dû rater un chaînon de l'évolution de la race humaine, bande d'abrutis restés bloqués au stade d'australopithèques. elle semble avoir tapé juste en visant son âge, se dit qu'avec un peu de chance, ça suffira à l'exaspérer juste ce qu'il faut pour qu'il parte la queue entre les jambes. mais s'il soupire, il n'a pas l'air décidé à bouger pour autant, et ça lui arracherait presque un soupir à elle aussi. elle descend son deuxième verre, manque de s'étouffer quand il se décide à l'ouvrir, parce qu'elle sait pas si elle doit en rire ou le mordre pour lui apprendre à tenir sa langue, au jeune chiot. « damn, c'est ça ta meilleure technique pour choper dans les bars ? comparer les filles à des grands-mères ? smooth. » le verre vient claquer contre le zinc du bar, simple geste du doigt pour que le barman viennent à nouveau remplir son verre, parce qu'elle sent qu'elle va en avoir besoin, s'il se décide à prendre racine. silke rend son temps, vient s'accouder au bar pour poser sa tête sur sa main alors qu'elle se tourne vers lui, l'observe en se demandant à quelle sauce elle va le manger, puisqu'il semble bien décider à rester à ses côtés. qui sait, ça pourrait presque devenir divertissant. « laisse moi deviner... t'es le genre de gamin populaire au lycée qu'a l'habitude d'avoir toutes les filles à ses pieds, je me trompe ? du genre à pas comprendre qu'on puisse pas succomber à ton charme prépubaire ? sorry darling, mais la mamie ici présente tape pas dans les gosses. » c'est que ça en deviendrait presque drôle, de le balader.